Historique des négociations de paix

Complexe et multiforme, le conflit a fait émerger de nombreuses parties – légales ou non – en lutte les unes contre les autres. Les intérêts propres à chaque groupe et la guerre qu’ils se livrent entre eux pour le contrôle du territoire a empêché jusqu’alors la Colombie de connaitre la paix.

La création des principaux groupes de guérilla encore actifs (les FARC, Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia, et l’ELN Ejército de Liberación Nacional) remonte aux années 1950-60. Des paysans avaient alors pris le maquis pour mener la lutte armée face au gouvernement et aux grands propriétaires terriens, sourds à leurs revendications et peu enclins à lâcher leur pouvoir.

Cette longévité s’explique à la fois par des logiques liées à l’évolution politique interne du pays (faiblesse de la présence territoriale de l’État, contrôle de manière exclusive du pouvoir par les deux partis traditionnels) et par des influences externes (diffusion de la révolution dans la décennie 1960, trafic de drogue dès la fin des années 1970).

L’émergence des groupes paramilitaires dans les années 70 et leur importance croissante sur la scène politique nationale a complexifié plus encore le conflit, et donc sa résolution. Les paramilitaires émergent initialement pour protéger les intérêt du grand capital face aux actions de guérillas des groupes subversifs. Au fur et à mesure, ces « milices privées » s’autonomisent, s’enrichissent avec les différents trafics et se rapprochent des potentats locaux en les arrosant grassement grâce à l’argent de la drogue.

Ces groupes illégaux, quels qu’ils soient, sont responsables de la majeure partie des exactions liés au conflit. Le reste est commis par l’armée régulière, autre acteur important de la guerre, et donc de la paix. Ce maelström d’acteurs et d’enjeux a provoqué la situation que connaît la Colombie depuis tant d’années.

Pourtant, aucun facteur de différenciation de la Colombie par rapport aux autres pays de la région ne permet d’expliquer cette situation. Le pays connaît des niveaux importants de sous développement et de pauvreté, des inégalités criantes dans la distribution des revenus, entre individus mais aussi entre territoires. Mais en la matière, les indicateurs sociaux et économiques de la Colombie ne sont ni meilleurs, ni pires que ceux des autres pays d’Amérique latine[1].

Le pays est marqué par une faiblesse historique de la capacité effective de l’Etat à exercer ses prérogatives régaliennes, en matière de protection et de sécurité tout particulièrement, la régulation des conflits s’exerçant entre acteurs privés par la violence.

L’échec de la réintégration politique de certaines guérillas et des groupes paramilitaires, l’enlisement des négociations avec d’autres, adviennent alors même que le conflit se poursuit.

Des tentatives de sortie de conflit ne sont ressorties pour le moment que des échecs, plus ou moins patents. Solution militaire ou sortie politique négociée, dialogue bilatéral entre acteurs ou intégralité des négociations avec tous les groupes, fermeté ou souplesse dans les revendications, tous les paramètres induisent une éventualité quant à l’espoir de voir le conflit armé cesser en Colombie.

L’on peut répertorier tout l’historique du processus de paix colombien de la manière suivante[2] :

1982: Le président Betancur convoque les guérillas pour un accord de paix.

1984 – 1990 : En 1984, durant la présidence de Belisario Betancur, commence une première tentative de négociation entre les FARC et le Gouvernement. L’année suivante, les FARC, conjointement avec le Parti Communiste, participent à la création d’un nouveau parti politique, l’Union Patriotique. Mais la popularité de ce nouveau parti effraie l’extrême droite et plus de 3000 militants de l’UP sont assassinés par des milices paramilitaires. Ainsi, les négociations finissent par échouer et n’aboutissent pas à une démobilisation des FARC.

1990 : Après une longue négociation, la troisième guérilla du pays, le M-19, s’est démobilisée[3]. Après la remise des armes, ils ont été réintégrés à la vie civile et se sont convertis en force politique. Tout ce processus a abouti à la création d’une nouvelle Constitution qui a été approuvée en 1991 où le concept d’État de droit se consolidait formellement.

1991 : Démobilisation des groupes illégaux tels que le Mouvement Armé Quintin Lame (MAQL), l’Armée populaire de libération (EPL) et le Parti Révolutionnaire de Travailleurs (PRT).

1992 : Dialogues de Tlaxcala (Mexique) entre le Gouvernement de César Gaviria et les FARC, qui seront interrompus rapidement.

1994: Démobilisation de la Courante de rénovation socialiste (CRS), des Milices populaires de Medellin (MPM), MMM y Front Francisco Garcina (FFG) tous groupes qui ont combattu entre l’année 1991 et 1994.

1995 : Création de la Commission nationale de paix par la Conférence épiscopale colombienne afin d’avancer dans les négociations de paix entre l’ELN et le gouvernement colombien. Un premier accord est signé à Madrid (Espagne) et un deuxième a Mayence (Allemagne) concernant l’humanisation du conflit.

1997 : Le président Ernesto Samper propose de créer un Conseil National de la Paix formé par des institutions et une société civile.

1998 : Avec l’arrivée au pouvoir du conservateur Andrés Pastrana, une possibilité de dialogues s’ouvre à nouveau. Le Gouvernement démilitarise une zone de 42000 km2 pour la tenue de dialogues qui ont lieu durant presque toute la durée du mandat de Pastrana, mais qui n’aboutiront pas. Parallèlement, le « Plan Colombie » est mis en place, consistant en une aide économique et militaire des Etats-Unis afin d’en finir avec les plantations de drogue et les guérillas.

1998 : Démobilisation du Mouvement indépendant révolutionnaire commando-armé MIR-COAR qui faisaient partie des milices de Medellin et qui ont combattu entre 1990 et 1998.

1999 : Le Secrétaire général des Nations Unies nomme Jan Egeland comme son premier délégué pour la Colombie. Le processus de négociation commence avec les FARC pour une tentative formelle d’obtenir la paix avec cette guérilla. Les dialogues se font au milieu de la confrontation et ont été interrompus en février 2002.

2002 : Pendant le Gouvernement du président Álvaro Uribe, qui a lancé une offensive militaire contre la guérilla avec l’appui des États-Unis, des dialogues s’initient avec l’ELN à Cuba. Entre 2004 et 2005 il y a eu une facilitation du Mexique puis une en 2007 avec le Venezuela et la médiation du président Hugo Chávez, mais encore une fois les approches ont échoué.

 Pendant la période comprise entre 1991 et 2007, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement, il y a eu 10 cycles de négociations avec la guérilla de l’Armée de libération Nationale (ELN). En ce qui concerne les FARC, il y a eu 4 cycles de négociations, toujours sans succès.

 Dans la même période il y a eu des nombreuses démobilisations de groupes paramilitaires suite à des négociations de paix. Ainsi, entre 2002 et 2010[4], se sont démobilisés 35.353 combattants qui appartenaient à 39 groupes paramilitaires de l’organisation Autodéfenses Unies de la Colombie (AUC).

 S’il y a eu un processus de démobilisation, celui-ci n’a pas totalement fonctionné puisque de nombreux nouveaux groupes (appelés BACRIM par les autorités pour « Bandes criminelles ») se sont constitués localement et répondent à des logiques propres d’autosubsistance par la terreur, les crimes et les trafics.

 Pendant la même période il y a eu aussi la démobilisation d’autres groupes armés : 13.681 combattants des FARC ont rendu leurs armes, 2.883 combattants de l’Armée de libération Nationale (ELN) et des 468 dissidents provenant de divers groupes.

 2012 : Le président Juan Manuel Santos annonce que son Gouvernement et les FARC ont signé un accord-cadre qui établit une procédure, une feuille de route, pour avancer dans les négociations de paix

19 novembre 2012 : début des négociations de paix entre les FARC et le gouvernement à La Havane (Cuba)


[1] David Garibay. Le conflit armé interne en Colombie : échec des solutions négociées, succès apparent de la solution militaire, poursuite des violences. SELIN (Corentin), dir., Résistances, insurrections, guérillas, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, 146 p.

[2] Annuaire 2012 du Programme des Nations Unies pour le Développement

[3] Mouvement du  19 avril

[4] La Fondation Idées pour la Paix a rendu en 2010 un compte rendu des démobilisations en Colombie. Information basée sur les statistiques données par l’Agence Colombienne de Réintégration.

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